1958 ou le naufrage collectif des catholiques français…
« (Art. 1) La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. (Art. 3) La souveraineté nationale appartient au peuple. »
Ainsi commence la Constitution de la Vè République qui nous sert de cadre législatif depuis 1958. Imposée par de Gaulle, c’est une Constitution qui a permis de stabiliser la République en France. Une Constitution qui omet sciemment de citer Dieu, audace inouïe à l’époque – seuls les pays communistes ne s’y référant pas. Une Constitution qui fait de la souveraineté populaire la source du pouvoir, balayant d’un revers de main l’ordre naturel provenant de Dieu. Une Constitution porteuse de toutes les dérives constatées depuis 60 ans : indifférentisme religieux, décadence des mœurs, invasion migratoire, crise économique…
Mais qui sait que cette Constitution fut adoptée par le peuple français par référendum à une écrasante majorité (82,6 % pour le « Oui ») et avec seulement 15% d’abstention ?
Chose d’autant plus étonnante : en 1958, la France était encore largement catholique. 33% des Français allaient à la messe chaque dimanche (en latin s’il vous plait !), contre 5% seulement aujourd’hui. Il y avait moins de 5% de naissances hors mariage, contre 60% aujourd’hui ! Le Pape était Pie XII, pas François ! Nous étions encore avant le Concile Vatican II !
Autrement dit, ce sont des catholiques qui ont très majoritairement validé cette Constitution apostate. Or sur le papier, aucun catholique digne de ce nom ne pouvait voter pour un tel texte absolument contraire au dogme de la Royauté sociale de Jésus-Christ !
Comment en est-on arrivé là ?
Reprenons la chronologie. La IVè République vient de chuter sous les coups des partisans de l’Algérie Française le 13 mai 1958, et notamment du « Chouan de la Mitidja » Robert Martel, fervent catholique, fondateur du Mouvement du 13 mai. De Gaulle est rappelé au pouvoir. Le 4 septembre, le texte officiel de la Constitution est publié. Les Français doivent se prononcer le 28 septembre.
Pour ou contre ? Des voix catholiques s’élèvent pour condamner le projet de texte : l’Amiral de Penfentenyo tout d’abord, figure noble et respectée. Puis Pierre Lemaire, directeur de la revue « Défense du Foyer ». Le Général Weygand lui emboite le pas. 100 000 tracts catholiques dénonçant le texte sont diffusés début septembre. Le camp du « non » donne de la voix.
Le Système commence à prendre peur. La grande manipulation de l’opinion peut alors commencer. Les Évêques vont être réquisitionnés par la République pour inciter leurs ouailles à « bien voter ». La riposte est prévue pour le 17 septembre, avec une déclaration solennelle des Cardinaux français favorables au vote « Oui ».
Mais pour bien préparer le peuple à cette déclaration retentissante et historique, il faut d’abord le matraquer de propagande quotidiennement :
- Le 5 septembre, le grand bourgeois catholique Jean Le Cour Grandmaison, ancien directeur de « La France catholique », prend position pour le Oui. Ses raisons ? Le texte n’est pas si mal, et si vraiment il était insupportable, les Évêques se seraient prononcés clairement, non ? Son collègue Jean de Fabrègues lui emboîte le pas aussitôt sur le même ton.
- Les arguments pour le « Oui » sont avancés par ruse, de façon détournée : en effet, si le « Non » l’emporte, n’y a-t-il pas un risque de coup d’état communiste ? Et qu’adviendrait-il de l’unité nationale ? Et de l’Empire colonial ? Vraiment, voter « non » est dangereux et ouvre une porte vers l’inconnu ! Tandis qu’en votant « Oui », de Gaulle est légitimé. Et de Gaulle, on le connaît bien ! Alors attention à ne pas voter mal ! Singulier écho d’un lointain passé qui s’est répété tant de fois depuis (Maastricht, élections de 2002, Constitution européenne en 2005, Brexit,…).
- Le Figaro est à la manœuvre, avec le comte Wladimir d’Ormesson, père de feu Jean d’Ormesson : le 8 septembre, il nie que la République soit encore anti-catholique, car « le climat a changé » !
- Enfin, les 15, 17 et 24 septembre, les Évêques se prononcent tour à tour pour le « Oui », d’une même voix, suivant en cela les Directives de certains cercles romains gangrenés par le modernisme.
Terrible. Une Constitution athée s’apprête à être entérinée avec la bénédiction de l’Épiscopat ! « L’Église se détruit elle-même par voie d’obéissance. Elle se convertit au monde hérétique, juif et païen », constatait Mgr Lefebvre le 13 octobre 1974. Et sa destruction entraîna la France par la même occasion.
L’observation des réactions des forces vives de droite n’en est pas moins riche d’enseignements. Face à la hiérarchie ecclésiale, face au cléricalisme, vont-ils se lever ? Se révolter et appeler à voter « Non » tout de même ? Que nenni ! Ils vont se renier les uns après les autres, et pas des moindres !
- Le journal « Aspects de la France », hériter de l’Action Française, donne des consignes formelles pour le « Oui », suivant en cela son inspirateur, le Comte de Paris. Ce mouvement soi-disant nationaliste et royaliste vient une fois de plus au secours de la République, après 1914 et Vichy.
- Jean Ousset, le héros du Christ-Roi, fondateur de la Cité Catholique (ancêtre de Civitas), refuse de donner une consigne de vote. Son hésitation coupable signera l’acte de décès de son mouvement.
- Pire encore : Chabeuil, haut lieu des Exercices spirituels de Saint Ignace et du discernement des esprits, appelle à voter « oui » pour des raisons bassement tactiques. Comme Ousset, l’œuvre de Chabeuil périra peu après…
- L’abbé de Nantes, fondateur de la Ligue de contre-réforme catholique CRC, suit le mouvement.
- Tout comme le « Marquis » de la Franquerie, auteur de la « Mission divine de la France » !
Devant ce naufrage collectif incroyable, seules quelques âmes courageuses viennent apporter la contradiction et voteront « Non ». Mais la liste est courte : Dom Beaurin, Jean de Bronac, le grand écrivain mystique Jacques d’Arnoux, Pierre Lemaire, l’abbé Soullier, ou encore Henri Coston.
Avec 60 ans de recul, tous les arguments des partisans du « Oui » s’avèrent ridicules :
- La peur des communistes ? Tous les catholiques libéraux se sont commis avec eux pendant des décennies, et de larges pans de la société sont encore sous influence rouge (Éducation nationale, Sécurité sociale, médias,…).
- L’unité nationale ? L’Empire français a au contraire été bradé, à commencer par la riche Algérie, au prix de la mort de 100 000 Harkis.
- Le bien commun ? C’est au contraire l’individualisme forcené qui s’apprête à prendre le pouvoir à partir de mai 1968.
Les Français catholiques se sont donc faits bernés du début à la fin. Nous en payons plus que jamais les conséquences aujourd’hui. Tel est le prix de l’apostasie…
Source : d’après Nicolas DEHAN, « Le Troisième Ralliement », Le Sel de la terre n° 21, été 1997.
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